K
K vient du Pakistan.
Le jour de son arrivée en septembre, toute timide, elle avait eu ce regard rempli d'interrogation et d'incrédulité quand la maitresse lui avait donné ses cahiers, son fichier de maths et des stylos.
Pleine de sérieux espoirs, elle a compris très vite que l'anglais qu'elle avait un peu appris pourrait l'aider. Elle s'est mise à lire le français comme de l'anglais, à apprendre tous les mots possibles, à remplir le plus vite possible les fiches proposées par la maitresse, sûre que son travail lui permettrait vite de parler et de comprendre.
Souvent, elle se levait pour le montrer à la maitresse quand elle avait (déjà) terminé. Mais voilà. Autour d'elle, il y en a 30. Agités. Faibles. Perturbés, perturbants. Mais, où es-tu tombée ma pauvre petite K?
K partage son temps, ses jeux et son travail avec L, qui arrive du Cap-Vert. Aujourd'hui, L a rejoint le groupe de CE1 à temps plein. Elle parle et comprend déjà, elle.
L'euphorie est retombée. K mesure la montagne de ce qu'elle ne sait pas encore. Elle voit bien qu'elle fait les maths des CE1 parce que le CE2 c'est encore trop dur. Elle voit aussi que les CE1, ça y est, lisent des livres entiers. Alors, K perd confiance.
Elle fait preuve de bonne volonté, ça c'est certain. Elle fait ce qu'on lui demande, oui. Elle accepte les jeux, pourquoi pas. Elle suit la maitresse de français, allons-y. Elle participe aux chansons et aux séances d'Arts, après tout. Mais dans ses yeux il y a ce blues. Cette expression dans le regard qui vous scie l'enthousiasme et vous coupe l'élan.
Elle qui donnait tout, qui s'appliquait tellement, qui essayait tant.
Où c'est parti tout ça, K? Où est-ce? Comment te le rendre?
A la rentrée, K aura un tout nouveau tout beau fichier de français, avec des textes adaptés pour qu'elle suive un peu comme les autres, elle ira quelques heures avec la maitresse spécialisée, et fera tout bien comme il faut. Son regard aura-t-il changé?